samedi 21 mai 2016

Mentir n'est pas pêcher …!

Janvier 2004 :


Lors d’un déplacement professionnel à Paris avec une amie, il y a fort fort longtemps, errant dans le quartier du Marais, je tombe en arrêt devant une « lampe d’Aladin ». Factice … je précise….
Bêtement, je vous le concède ! 

Appréciant toutes les petites merdouilles décoratives au grand dam de Cher et Tendre qui en a ras la casquette de vivre dans la maison d’Alice aux Pays des Merveilles, je l’achète. Mouiii, j'ai un côté rebelle, oui...

Le lendemain, de retour à la maison vers 20h, j’ai juste le temps de me jeter dans le lit du Gnome, lit dans lequel nous avons l’habitude de nous retrouver, Le Gnome, La Gnomette et moi, le soir, pour un câlin quotidien qui sert à peu à tout : règlements de comptes fraternels, crises de fous rires, ou questions existentielles, comme de savoir si le doigt puera quand même en se grattant « le cucul par-dessus le pyjama » ?... 
A cette époque, ils ont 5 et 2 ans. 

Ce soir-là, donc, les gnomes sont surexcités de me revoir et je ne parviens pas à les calmer ! Ils se chamaillent par mon corps interposé (vu que pour tenter illusoirement d’éviter les empoignades, je me mets au milieu des deux… ouhais … c’est un peu comme l’ONU : ça sert pas à grand chose), je mange des cheveux, des morceaux de doudous… Bref, le calme, quoi … 

Rapidement exaspérée, je crie : 
« STOP !!!! Si vous êtes sages, je vais vous raconter l’histoire qui m’est arrivée à Paris !! » 
Un semblant de silence commence à se faire … 
Reprenant du poil de la bête, je me lance … 
« … Parce qu’à Paris, j’ai volé … LA LAMPE D’ALADIN !! » 
Si je m’attendais à des « ouhaaaa » émerveillés, me voilà douchée … et à l’eau froide, siouplé : 
« Hiiiiiin, n’importe quoi !! … Même pas vrai … ». 
Limite ils ricanent, les morveux ! 

Je décide alors de me montrer bien plus persuasive et me lance dans une histoire abracadabrante que j’invente au fur et à mesure. 
L’expérience d’années de mensonges servis régulièrement à mes parents paie enfin ! 
Allez … Là, je les entends déjà s’exclamer en jubilant :
« AAAAAAH, tu avoues ! » 
Oui, j’avoue, oui ! 
Mais avouez aussi que votre argument à deux balles : « Dis nous la vérité, on te punira toujours MOINS que si tu nous mens … » n’était pas franchement incitateur à balancer ze truth ! 
Si vous aviez été négociateurs au FBI, le nombre d'otages décédés auraient augmenté en flèche
"Jimmy, fais pas l'con ! Si tu libères les otages et que tu te rends, tu ne prendras que 20 ans !! … Si tu les tues, tu prendras 25 ! Moi, si j'étais toi, j'achète !"
Mouhais … Si le mec est suicidaire et dépressif, sur un malentendu, ça peut marcher …
Mais dans la vraie vie …

DANS LA VRAIE VIE, ce que veut entendre un enfant, c’est « on ne te punira PAS » ! … Le « moins », comment dire, pèse lourd dans la balance du choix de mentir en se disant que, quitte à se faire punir, autant gagner quinze jours supplémentaires de répit ! 
A mes gnomes, aujourd’hui devenus ados, je ne leur ai jamais caché la menace implicite : 
« Ne me mentez pas … Parce que si vous me mentez … LA VERITE, SI VOUS ME MENTEEEEZ… ». 
Ce qui leur permet de déployer des trésors d’ingénuité pour à leur tour, me mentir tout en me laissant la possibilité de faire semblant de les croire.
L'honneur est sauf. 

Bref, je reprends, parce que comme à mon habitude, je m’éloigne ! 

Je me lance donc dans le récit du vol de la lampe d’Aladin ! 
« J’étais avec Mireille et nous marchions dans Paris, quand soudain … (toujours laisser un blanc après « soudain »… vous vous souvenez ? Suivez, merde !), j’aperçois, sur ma gauche, un petit chemin, étroit et obscur. Intriguée, je décide de m’y engager ». 
Enfin, j’avais gagné leur attention. 

« Au fond de cette ruelle obscure et sombre (Isabelle s’est cognée contre les murs, les murs, les muuuuurs ! Isabelle a les yeux bleus, Isabelle a les yeux bleus … Là, seuls les initiés peuvent comprendre …), que vois-je ??? (j’aime bien le côté angoissant à la David Lynch … Quoi, comment « je m’emporte » ? Avouez que le suspens est insoutenable!) un ESCALIER qui descend (ou qui monte, ça dépend de quel côté on le prend. C’est pas franc, un escalier, quand on y songe, c’est pas réglo, c’est un peu l'élément mensonger du décor). 
Mimi tente bien de me dissuader, mais n’écoutant que ma curiosité, je décide de l’emprunter et de descendre dans les profondeurs terrestres ». 

Là, le silence est LOURD … Ils osent à peine respirer … Ouhais parce que EUX, ils sont petits et influençables , à cette époque ! 

« Je débouche finalement dans une salle faiblement éclairée, pleeeeeine de trésors fabuleux !... De l’or, des bijoux, des diamants, entassés ça et là, des richesses que je n’avais jamais osé imaginer … Une vraie caverne d’Ali Baba !!! Et là … au milieu de ces trésors… sur un piédestal (là, je sens bien que si je pousse un cri, ils me font une syncope eeeeeeet pendant quelques secondes, j’avoue y avoir songé !)… se trouve … LA LAMPE D’ALADIN !!!!! » 

J’abandonne trente secondes le ton théâtral que j’avais adopté pour rendre mon histoire plus crédible : 
« Je l’ai reconnue tout de suite, vous pensez bien, avec le nombre de fois où on a regardé le dessin animé !! » 

Je reprends ma voix d’outre tombe : 
« Je m’approche … dououououcement … et là, j’entends, provenant d’une pièce un peu éloignée, la voix d’un vieil arabe qui parle tout seul … » 

Je prends l’accent arabe que j’imite à la perfection. Moui, je suis modeste, moui… : 
« Ji loui ai dit, à Aladine… Si ti me laisses cette lampe, kèk ti veux que j’en fasse ??... Elle va m’porter la chkoumoune !! Rien que des malheurs, il arrive aux gens qui la possèdent ! » 
Je reprends mon accent de chez moi parce que je viens du Sud ET PAR TOUS LES CHEMINS, J’Y REVIEEEENS … 
« Mais … n’écoutant que mon courage et mon envie, je décide de VOLER la lampe » … 

Là, je manque les perdre ! 
De concert : 
« NOOOOOON, MAMAN, NOOOOON, NE PRENDS PAS LA LAMPE !! » 
Commençant à rire, je dis « «mais c’est trop tard, je l’ai ramenée, elle est dans la salle à manger ». 
Cette toute petit phrase, somme tout innocente, déclenche alors un concert de hurlements, entrecoupé de mon fou-rire, devenu incontrôlable !

Je tente de me lever du lit, les 2 gnomes, accrochés à mon cou, me suppliant toujours de ne pas prendre la lampe !! 
Peinant à respirer, je finis par me résoudre à leur avouer la vérité, que j’ai imaginé cette histoire …etc … 

Sous les récriminations de Cher et Tendre, arguant du fait qu’il est visiblement le seul adulte de cette maison, je mets presque 15 minutes à les calmer et à les persuader de mon délire.
Ils finissent par me croire, mais pas super convaincus quand même !
J'apprends ce jour là, qu'il vaut toujours mieux mentir avec aplomb que dire la vérité avec hésitation.
Papa, maman, si vous me lisez … 

Le lendemain matin, pourtant, en se levant, ils découvrent avec stupeur et crainte, la lampe, posée sur le guéridon de la salle à manger. 
S’en sont suivis alors 15 jours d’une paix royale ! 
A chaque nouvelle ébauche de dispute ou bouderie, je menace de libérer le Génie … Et pas le gentil ! Pas celui avec un froc bouffant bleu turquoise qu'on croirait qu'il a déféqué dedans pendant 10 jours ! Pas celui qui lave votre linge sans frotter, non plus ! 

A toutes les mères en panique : Dégottez vous une vieille théière dans un marché aux puces ! Le sadisme paie ! 
Si votre tranquillité doit en passer par là, n’hésitez pas …
Et si vous culpabilisez, écrivez un livre : La mère parfaite est une sadique ! Chuis sûre que ça devrait déchirer ! 

Par contre, ayez bien conscience que vos enfants ne croiront plus une seule de vos paroles, que vous aurez détruit la confiance aveugle qu’ils mettent à l’intérieur de vous et qu’ils auront appris une chose : Mentir n’est pas pécher ! 

Ce qui m’amène à la conclusion que ma famille a du me raconter bien des conneries aussi … 
Quelques anecdotes me reviennent, subitement, tiens ...
Notamment qu'un chameau me courait après pour me faire avancer plus vite (j'avais 2 ans, je précise …) ou que j'avais gagné une pièce de 10 francs au jeu de Dorothée  à Récré A2 … (j'y ai cru jusqu'à mes 30 ans), ou qu'on ne sentait AB-SO-LU-MENT rien lorsqu'un avion volait (à chaque frémissement de la bête, je faisais mes prières au milieu de l'allée), ou qu'on me "déguisait en princesse" pour un rallye en me peinturlurant le bout du nez de rouge à lèvre rouge (le thème était de déguiser une personne en clodo ! ILS N'AVAIENT TROUVE QUE MOI !!! Moi qui pétait des paillettes !!!… Ils ont perdu le rallye, mais j'avais 8 ans et il était HORS-DE-QUESTION que je me déguise en manant !). Et j'en passe ...

Donc, moi, je dis que c'est finalement de la faute de mes parents si je mens à mes enfants.
CQFD. 

Pour une fois que je suis bonne en déduction logique …






La fautive … 




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