dimanche 31 août 2014

Motard, si tu me lis, sache que je m'en veux beaucoup ...

Il est des matins où le réveil s’avère plus difficile que d’autres. Des matins où vous vous apercevez immédiatement que vous souffrez d’encéphalite rectale, plus communément appelée « syndrome de la tête dans le cul ». 
Le réveil sonne, vous êtes dans un coma … mais un coma … Que vous en venez à vous dire que c’est juste pas possible que Schumi ait eu ENVIE d’en sortir tellement on y est bien … 

Mais vous savez que vous devez vous lever. Vous devez amener votre cher et tendre au travail… 
Vous êtes pauvres, des manants, des gueux, vous n’avez qu’une seule voiture que vous devez partager ! 

Alors, ces matins-là, d’un coup, parce qu’il le faut, quand le réveil sonne, vous basculez en position assise, en espérant que l’impulsion prise soit correctement calculée afin de ne pas retomber de l’autre côté. 
Là, vous tentez désespérément d’ouvrir l’œil. Juste un. Sinon ça sert à quoi que Dieu nous en ait fait deux ?! 
Puis vous chaloupez d’une démarche syncopée, qui n’a rien à envier à un zombie putréfié de la série Walking Dead (dont vous comprenez enfin le nom !) vers la salle de bains, dans laquelle Cher et Tendre se prépare déjà. Bien réveillé, lui … 

Dans ces matins-là, après la douche, vous tanquez deux plombes devant votre penderie, bouche ouverte, filet de bave glissant au coin de la lèvre, oeil vitreux et même si vous avez 45 pulls et 25 pantalons, vous savez déjà qu’aucun des vêtements proposés ne conviendra à votre humeur … 

Bref, vous le tenez, ce matin-là, vous l’avez bien en tête ? C’est bon ? 
Et bien, moi, ce jour-là, je suis dans un de ces matins-là … 

Après de longues minutes infructueuses à m’arracher les peaux séchées de ma lèvre inférieure, pleine du doute existentiel de «comment-que-je-vais-m’habiller-bordel », je réussis finalement à trouver une tenue qui s’oppose pas mal à mon humeur comateuse du jour : colorée, joyeuse et printanière ! 
Cher et Tendre, lui, à fond ze balloon, se dirige déjà vers la porte d’entrée, me donnant du : 
« Allez, je vais être à la bourre ! »
… M’en fous, mais grave ! Cours !

Le partage de la voiture implique un principe très clair : Futur Mari conduit à l’aller, ce qui me permet de terminer ma nuit dans les bouchons matinaux, vautrée sur le siège passager. 

Arrivés sur le lieu de son travail, bisou bisou, je m’extirpe du siège auto pour prendre le volant, direction, la maison en attendant ma propre journée à moi. 

Toujours vaseuse, j’arrive à un panneau stop, donnant sur une intersection routière très fréquentée. 
C’est une trois voies. Ce stop permet de partir à droite, il est donc primordial de prêter attention aux voitures qui viennent de gauche.  
Devant moi, une moto attend prudemment pour tenter de s’enquiller entre le flot d’automobiles. 
J’ai déjà la tête tournée vers la gauche, prête à me jeter, à la suite de la deux roues, dont j’entends le moteur vrombir. 
Dans ma tête, l’idée est là : Le motard est passé. 

La tête toujours tournée vers la gauche, j’appuie sur l’accélérateur de ma Ford Escort que mon tonton Charles m’a vendue pour une poignée de cacahuètes… 
Elle ne bouge pas. 
Mon cerveau tente de sortir des brumes du coma et mon pied droit redonne un coup d’accélérateur. 
La voiture ne bouge toujours pas. 
Mais kesskisspasss, bordel … Quelque plaisantin aurait attaché subrepticement mon pare-choc arrière à un poteau, immobilisant ainsi mon véhicule à l'insu du plein gré de M. Virenque ? 

La tête toujours tournée vers la gauche, je jette un œil dans mon rétro conducteur, mais que nenni, dégun derrière bibi. 
Là, ça m’énerve et quand ça m’énerve, ça me réveille ! 
Je file un coup d’accélérateur à faire passer ma Ford pour une Maserati, avec la ferme intention de la faire décoller de l’asphalte, tout en regardant enfin devant moi ! 

Et là, le drame … 
Le motard dont j’avais entendu le moteur pétarader et que j’avais cru disparu de ma voie est toujours là …
Le bougre s’accroche désespérément à son guidon, pressant nerveusement et avec toute la force de ses dix doigts, les freins de son engin ! 
Et alors qu’il tente de rester en selle, sa tête partant en arrière à chaque coup de boutoir, moi, comme une malade hystérique, je jette trois fois de suite ma voiture contre sa roue arrière, manquant à chaque fois, le projeter au milieu des véhicules navigant sur les trois voies. 

Quand enfin, je me rends compte de la catastrophe évitée et que j’arrête d’accélérer, le motard, dans un élan désespéré, trouve une brèche dans le flot continu de la circulation et  s’y rue avec la conviction d’un homme persuadé d’avoir un contrat sur la tête ! 
Horrifiée, je le suis de peu, toute prête à m’excuser d’abord et faire un constat, si nécessaire, bien sûr ! 

Je le retrouve légèrement plus loin arrêté sur un terre plein, évaluant avec consternation sa roue arrière totalement pliée et l’origami qui lui sert à présent de plaque d’immatriculation.
Je me gare à l’arrache, baisse ma vitre, me confonds en excuses lamentables et lui propose de faire un constat. 
Sans même ôter son casque (je n’aurais donc pas le plaisir de voir sa tronche, mais lui, je pense, se souviendra longtemps de la mienne…), il me fait des signes véhéments avec sa main libre et une voix caverneuse sort de l’intégral : « Allez, barrez-vous ! Barrez-vous ! ».
Au vu de l’intonation, il est possible … mais je m’avance… qu’il ait été très légèrement agacé … Mais je m’avance.

Je reprends donc la route, encore un peu sous le choc de ce qui aurait pu arriver … 
Et puis, soudain, la chose terrible, le contre-coup, quoi … je commence à rire. Mais à rire ! 
Les images se succèdent dans ma tête, je revois le motard bringuebalé et au lieu d’avoir honte … non, j’ai honte quand même, mais le fou-rire me gagne. Et je ris comme une dératée tout le long du trajet retour, ce qui est très dangereux, car lorsque je ris, mes joues remontent et mes yeux se ferment.

Vous conviendrez que ça peut être ennuyeux. Lorsque je conduis avec des amis et que je commence à rire, ceux-ci, inévitablement, se mettent à hurler : « Ne ris pas, Axelle, ne ris pas !! », ce qui, inévitablement aussi, provoque l’effet inverse de celui désiré, on se doute …

Depuis, je vous promets que c’est vrai : chaque fois que je raconte cette histoire, qui s’est passée il y a près de 20 ans, maintenant, chaque fois (et même là, en la tapant), je suis prise d’un fou-rire monstrueux ! 
J’ai honte … 

J’espère que le motard va bien. Sincèrement. Parce que je pense souvent à lui … Vraiment.



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2 commentaires:

  1. Je ne la connaissais même pas celle là, c'est trop bon!
    Coco

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    1. Trop bon, trop bon ... Faudrait demander au motard !! :D

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